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Par Omar BA
L’immigration est un des meilleurs baromètres pour mesurer les ravages de la bien-pensance. Ce sujet est dit «sensible» parce que le couperet menace quiconque ose un discours qui s’écarte de l’idéologie qui y est dominante; celle là qui persuade que les frontières doivent s’ouvrir pour laisser passer tous les migrants potentiels. Cette idée ne peut être que formidable de prime abord. Mais à y regarder de près, elle constitue un crime majeur. Au propre comme au figuré, cette bien-pensance assassine.
Elle cautionne la conviction d’une jeunesse désœuvrée qui pense avoir le droit de venir en Europe car, par le passé, les puissances occidentales se sont servies dans leurs pays. Alors, ces jeunes, à la fleur de l’âge, déguerpissent, quitte à atterrir massivement sur les plages européennes sous forme de cadavres en putréfaction. Je ne vois pas une définition différente de «crime contre l’humanité». Quelle morale accorder aux bien-pensants s’ils ne reconnaissent pas que leur irresponsabilité est l’un des premiers leviers d’un tel massacre ?
En octobre 2008, l’Association de Lutte Contre l’émigration Clandestine (ALCEC), sise au Cameroun, adressait une lettre au Réseau Education Sans Frontières. L’association attirait l’attention du collectif français sur les effets néfastes de son action sur le travail de sensibilisation menée en Afrique à l’endroit des jeunes candidats au suicide atlantique. En substance, l’association a jugé irresponsable l’attitude de groupes divers qui, en France et ailleurs, continuent de faire croire aux immigrés que leur avenir – tout leur avenir – est en Europe. Si on aime l’Afrique on ne défend pas une idée pareille qui, non seulement fixe les Africains déjà en Europe sur le Vieux-Continent mais encourage fortement les autres à tout faire pour rejoindre un Eldorado imaginaire. Du coup, on peut dire adieu à une sortie de crise en Afrique car plus personne ne sera là pour la porter.

Suite à l’interpellation de l’association camerounaise, au lieu de répondre sur le fond, ce fut la diabolisation, arme éternelle de la bien-pensance. On a accusé l’association de se faire manipuler par des nationalistes européens. Bref, l’Africain ne peut prendre, seul, une initiative si pertinente sans une main invisible pour l’aiguiller. La bien-pensance est en réalité la pire infantilisation. Quand, dès lors, tout le monde continue de s’indigner (et d’aucuns de s’excuser) parce que tel président aurait manqué de respect à l’Afrique dans un fameux discours, on ne peut qu’y lire une hypocrisie notoire. Le fait de garder continuellement des êtres considérés comme fragiles sous sa férule n’est-ce pas aussi un manque de confiance avérée en leurs capacités propres?
Quand je vois des familles immigrés à la rue de la Banque à Paris protester pour des logements ou courant derrière des régularisations hypothétiques, mon sang ne fait qu’un tour. Je vois là une ritournelle sans fin. Il y a comme un gout de déjà vu. Peut-être est-ce opportun de rappeler qu’en fin juin 2009, un groupe de sans-papiers a été chassé de la Bourse du travail par la CGT, fameux syndicat qui a remué ciel et terre pour obtenir des régularisations.
Je ne doute pas de la légitimité de certaines revendications. Cela dit quand on court derrière une régularisation pendant plus de 10 ans, il est un moment où on doit changer de stratégie. De la même manière qu’on avait immigré on doit rendre possible dans son esprit le retour au pays. Et on ne peut compter sur les bien-pensants pour aider à une telle prise de conscience. Parce qu’alors leurs «victimes» s’émanciperaient. C’est cette issue que j’appelle de mes vœux chez tout immigré. Ce dernier doit se prendre en main au-delà des larmes (sincères ou hypocrites) qu’il suscite chez les uns et les autres.
Les bien-pensants brandissent sournoisement un droit de circulation présenté comme fondamental sans évoquer auprès de leurs «protégés» un autre droit, celui de chaque Etat de veiller à son intégrité territoriale. Telle est l’absurdité qui piège des milliers d’immigrés. D’un côté on leur demande de venir et/ou de rester en Europe (même dans la clandestinité), de l’autre les Etats affirment leurs prérogatives. La bien-pensance y trouve son compte car elle aura toujours des laissés pour compte qu’elle se fera la plaisir de défendre la larme à l’œil.
Cette idéologie tendancieuse pollue tout débat, diabolise toute liberté de ton. Aujourd’hui on ne dit plus le fond de sa pensée sur l’immigration. Pire, dans certains milieux on n’est plus autorisé à penser. La mode est d’abonder dans un sens qui enchante ceux qu’on présente comme des victimes éternelles. Il faut les caresser dans le sens des poils.
Pour avoir joui de ma liberté de ton dans un des mes écrits je me suis fait massacrer par la bien-pensance. Il y a plus d’un an, en effet, j’ai publié un témoignage sur l’immigration clandestine. Tous les bien-pensants se sont rués vers moi pour le relayer à volonté. J’étais un bon client comme on dit car j’avais tous les traits du prototype de la victime: Noir, immigré, paumé et peut-être, pensait-on, remonté contre un système qui m’écrase. Jamais je n’ai été interrogé un seul instant sur la lecture que j’avais de mon expérience migratoire et, par conséquent, sur ce que je pensais de l’immigration. On s’est substitué à moi pour crier sur tous les toits que cette migration meurtrière était inacceptable ; ce que je pense aussi. Simplement, j’introduis une subtilité qui cesse de faire de l’Europe la seule coupable de ce drame. J’interroge aussi les responsabilités africaines.
Mais apparemment je ne devais pas le faire. Je devais verser dans l’hypocrisie qui pointe du doigt des dirigeants européens dits fascistes qui barreraient le passage aux pauvres Africains. Car telle est la position des bien-pensants dont la force n’est plus à prouver dans un monde aseptisé et consensuel. J’ai dès lors pris un gros risque, en 2009, en publiant un texte dans lequel je dénonce ces hypocrisies monstrueuses. Un texte réaliste, lucide et surtout franc avec les jeunes d’Afrique. Je les y enjoins de considérer leur avenir dans leur contient et pas ailleurs. J’ai alors défié ouvertement la bien-pensance. Un militant d’extrême-gauche qui a participé à un débat sur l’immigration dont j’étais l’invité principal me glissa des mots prémonitoires : «faites attention à vous, me dit-il à la fin de la rencontre. Vos écrits sont pertinents mais je ne vais sûrement pas vous laisser remettre en cause 30 ans d’engagement militant. C’est 30 ans de ma vie tout de même !» J’avais en face de moi un être déstabilisé, prêt à tout pour rester dans son confort militant. Or je pense qu’un discours sans contenu idéologique est à promouvoir au sujet de l’immigration. Peut-être sortira-t-on d’un débat sclérosé et stérile.
La bien-pensance est néfaste à plusieurs titres. D’abord, elle contribue à tuer physiquement des migrants en ceci qu’elle ne prend pas part à des actes qui les dissuaderaient. Elle trouve même ignoble une entreprise pareille. Ensuite, elle annihile le débat contradictoire et donc la pensée libre en orchestrant la diabolisation de tout discours sur l’immigration qui sape certaines de ses bases. Sa responsabilité n’est donc plus à démontrer dans le drame que continue d’être l’immigration (clandestine).

Omar Ba
Intervenant régulier dans le débat sur l’immigration en France
“Je suis venu, j’ia vu, jen’y crois plus” (Ed. Max Milo)

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