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Un jeu vidéo en ligne mettant en scène des SDF provoque l’indignation des pouvoirs publics et des associations d’aide aux sans-abri.
Clodogame  est la déclinaison française de Pennergame, un jeu allemand créé il y a deux ans. Ce jeu, gratuit, est disponible sur internet depuis la fin du mois de juillet. Concept : “Deviens le clochard le plus talentueux de Paris et installe-toi à Versailles !” Une adresse mail et un mot de passe suffisent pour créer son avatar.
Au début du jeu, votre SDF est “de mauvaise humeur et agressif”, son niveau de propreté est à 0%, et il n’a que 10 euros en poche. Mais sa cagnotte peut vite monter en réalisant des “actions“. Au choix: “récolter des tickets de métro”, “voler une machine à bonbons” ou “braquer la sandwicherie ambulante“. Le SDF peut aussi rejoindre une bande et participer à des “combats“…
Les associations d’aide aux sans-logis, pointant du doigt une exploitation malsaine de la souffrance des SDF, n’ont pas manqué de faire connaître leur indignation face à cette initiative. Les pouvoirs publics sont à leur tour montés au créneau. Le ministre du Logement a “condamné avec force les créateurs de jeux qui utilisent la souffrance humaine pour se faire un coup de pub“. “Tous les clichés les plus sordides sont utilisés dans ce logiciel, au mépris de la dignité des personnes sans-abri, du travail remarquable des associations et de l’engagement du gouvernement“, a ajouté le successeur de Christine Boutin, qui a par ailleurs “demandé (à ses) services juridiques d’étudier les différentes possibilités d’intervention contre ce jeu en ligne“.
Pourtant réelle, la menace ne semble toutefois pas ébranler Farbflut Entertainment, basée à Hambourg. “Quand le jeu a été lancé en Allemagne, il y a également eu une polémique, mais ça s’est rapidement tassé”, témoigne J.B. Bertrand, traducteur de Pennergame. Outre-Rhin, plus de 2,2 millions de personnes ont succombé “à ce qui reste avant tout un jeu de stratégie”, justifie le jeune Français âgé de 24 ans.
Au total, l’ensemble des versions du jeu en ligne (disponible en français, en anglais, en espagnol et même en polonais) ont généré plus de 4 milliards de pages vues, pour, on l’imagine, une manne financière certaine, même si, sur ce sujet, la société préfère ne pas communiquer. Tout juste peut-on apprendre que Farbflut Entertainment emploie à ce jour une vingtaine de salariés.
Sur le fond du problème, Jean-Baptiste Bertrand rejette avec force les critiques. Pour lui, et sans doute un peu naïvement, Clodogame permet même de faire parler de la situation des sans-abri “en été et pas seulement durant les périodes hivernales”. Mieux, Clodogame fait des sans-logis de véritables “héros“, dont “il n’est pas question de se moquer“. Quant aux clichés qui seraient développés dans le jeu, ses inventeurs “auraient pu aller beaucoup plus loin s’ils l’avaient souhaité“.
De la même manière, la violence, pointée du doigt par les détracteurs de Clodogame, n’est pas, selon lui, systématique. “On peut évoluer dans le jeu sans être violent, en faisant la manche par exemple ou en jouant de la guitare dans le métro“. Des arguments qui auront du mal à convaincre les défenseurs des sans-abris. Lesquels seront en outre désolées d’apprendre que de 5000 lundi matin, le nombre d’utilisateurs de Clodogame est passé à plus de 10 000 en fin de journée…
Le Journal du Dimanche

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