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Marie Dumes est le pseudonyme d’une juge administrative. Elle tire la sonnette d’alarme contre des politiques incohérentes qui, de droite ou de gauche, découragent l’immigration de travail et favorisent l’immigration d’assistance. (Extraits d’un article de 2007).

Pour obtenir sa régularisation, mieux vaut avoir profité au maximum d’un système social moribond qui favorise ce que j’ai fini par qualifier de droit à la procréation illimitée.

« Je ne fais pas de politique. Je suis magistrate administrative, tenue d’appliquer la loi. Le regroupement familial s’applique aux conjoints et enfants mineurs d’étrangers en situation régulière, dès lors que ceux-ci disposent d’un logement et de ressources suffisantes. Mais il représente seulement 10 % des titres de séjour accordés pour des raisons familiales.
Au moins dix autres cas sont recensés par la loi, qui concernent des familles étrangères de Français et des étrangers malades, mais aussi les étrangers en situation irrégulière qui n’entrent dans aucune des catégories précédentes et invoquent des liens personnels et familiaux non définis avec des personnes résidant en France, régulièrement ou non.
Ce qui signifie que deux clandestins entrés en France avec leurs enfants munis d’un visa de tourisme peuvent obtenir leur régularisation sans avoir à justifier d’un emploi et d’un logement alors qu’un Français qui veut faire venir sa femme allemande doit prouver qu’elle ne sera pas une charge.
Le nombre de ces régularisations « vie privée et familiale » accordées sans la moindre condition de ressources a quadruplé depuis l’adoption de la loi Chevènement-Jospin inspirée par un rapport de Patrick Weil. Son postulat principal, selon lequel les régularisations législatives de plein droit, dites « au fil de l’eau », risquent moins de créer un appel d’air que les régularisations ponctuelles, a été démenti par les faits.

Deux clandestins entrés en France avec leurs enfants munis d’un visa de tourisme peuvent obtenir leur régularisation sans avoir à justifier d’un emploi et d’un logement.

Les experts définissent trois voies légales d’immigration : l’asile, le travail et la famille. En réalité, il en existe seulement deux. La première répond aux obligations internationales de la France (droit d’asile, liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union européenne). La seconde est à la discrétion du pays d’accueil.
Le problème est que « le droit à une vie familiale normale » inscrit dans la Constitution et « le respect de la vie privée et familiale » garanti par la Cour, interprétés de façon erronée par Patrick Weil et beaucoup d’autres, sont devenus une troisième voie d’immigration de peuplement, la plus importante en France depuis qu’on a stoppé l’immigration de travail en 1974. Autrement dit, la France va bien au-delà de ses obligations.
Depuis 1974, on a considérablement durci les conditions d’immigration légale tandis que les gouvernements successifs encourageaient l’immigration illégale. La France est le pays à taux de chômage élevé qui a la législation la plus libérale au monde en matière de régularisation.
Au fil des réformes contradictoires de la gauche, qui prétend offrir toujours plus de droits, et de la droite, qui affirme instaurer toujours plus de contrôles, l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers est devenue incohérente, illogique et discriminatoire.
En théorie, elle permet d’accueillir toute la misère du monde ; or c’est impossible en pratique. Cette situation est d’autant plus explosive qu’elle est appréciée de façon divergente par « le peuple » et « les élites », en particulier par les médias, les artistes et les milieux enseignants, toujours prêts à dénoncer l’intolérance.

La situation est d’autant plus explosive qu’elle est appréciée de façon divergente par « le peuple » et « les élites », en particulier par les médias, les artistes et les milieux enseignants, toujours prêts à dénoncer l’intolérance.

Il faut être aveugle ou extrémiste pour ne pas voir que, depuis 1974, nous avons découragé l’immigration de travail et encouragé l’immigration d’assistanat. On ne demande plus au migrant d’être en mesure de gagner sa vie et de contribuer à l’aide au développement en envoyant de l’argent dans son pays d’origine.
Pour obtenir sa régularisation, mieux vaut avoir profité au maximum d’un système social exemplaire mais moribond qui favorise ce que j’ai fini par qualifier, par consternation et provocation, de droit à la procréation illimitée.
Dans mes salles d’audience transformées en nurseries, les requérantes font de moins en moins valoir le risque politique. Elles nous disent : « Je suis venue en France pour scolariser mes enfants, ou parce qu’ils avaient besoin de se faire soigner, de même que mon mari et moi. » Nous avons aussi de plus en plus souvent à traiter du cas de femmes entrées avec un visa de tourisme qui ont eu un, deux, voire trois enfants sans père connu.
Leurs gamins sont scolarisés en priorité dès l’âge de 2 ans, elles ont obtenu un logement HLM, l’aide sociale à l’enfance et différents compléments et affirment que la seule chose qui leur manque pour travailler est un titre de séjour, quand bien même elles ne parlent pas le français.
Notre loi et notre pratique administrative incitent les travailleurs qui n’ont pas réussi à obtenir un titre de séjour à faire venir leur famille et encouragent les sans-papiers à avoir des enfants dès leur arrivée sur le sol français, souvent en dehors de tout cadre familial stable.
En se contentant du point de vue humanitaire, on a abouti à une situation intolérable. Jusque-là, l’assistanat n’avait jamais été le ferment de l’immigration. Dans toutes les sociétés, y compris les plus traditionnelles, on commence par se former, travailler, se doter d’un toit, et c’est ensuite que l’on fonde une famille. Les migrants, qu’il ne faut pas prendre pour des imbéciles, ont compris que, s’ils s’installaient en Espagne, en Grande-Bretagne, voire à Canton, il leur faudrait respecter ce schéma.
Le « quasi-statut social des sans-papiers » mis en évidence par le rapport de la Cour des comptes de novembre 2004 profite essentiellement non aux travailleurs exploités, mais aux parents que je perçois de plus en plus comme des irresponsables encouragés par des travailleurs sociaux qui ne savent plus où est l’intérêt général, des médecins empêtrés dans leur serment d’Hippocrate, des associations qui défendent des cas individuels sous couvert de combats collectifs et de tous leurs soutiens qui se donnent bonne conscience aux frais de la collectivité.
Pour une famille régularisée qui coûte environ 10 000 euros par personne et par an, combien pourrait-on en sauver, de ces damnés de la terre qui survivent avec un demi-dollar par jour, n’obtiendront jamais un visa de tourisme, ne pourront jamais payer 5 000 à 20 000 euros à un passeur mafieux, et dont les enfants, surtout les filles, n’auront jamais accès à une éducation de base ?
40 % des personnes régularisées au titre de la vie privée et familiale s’inscrivent au chômage, sans compter les femmes inactives. Et on peut s’attendre à ce que la loi si mal ficelée qui instaure le « droit au logement opposable » profite en priorité aux femmes seules fraîchement régularisées au détriment du million de personnes qui attendent un logement social depuis plusieurs années.
On a créé une nouvelle catégorie de « ni-ni », (ni expulsables ni régularisables) et nourri une énorme frustration en laissant croire que tous les parents – dont les enfants ont le droit d’être scolarisés pendant leur séjour et jusqu’à expiration des voies de recours légales – seraient régularisés. Pour finir, très peu de parents ont été régularisés, et très peu reconduits à la frontière. « Laissez-les grandir ici », proclament les cinéastes. J’ai envie de leur répondre : « Arrêtez de les instrumentaliser pour vous donner bonne conscience ».
Voir l’article complet (via gigi)

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