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Tribune libre de Paysan Savoyard
Les orientations retenues par la classe dirigeante correspondent rarement, c’est un euphémisme, aux intérêts de la majorité de la population. Il entre une part d’idéologie dans les choix étranges effectués par l’oligarchie mais aussi plus prosaïquement la volonté frénétique de conquérir et de conserver le pouvoir afin de jouir de ses nombreux attraits.
Comme chacun sait, la république est en effet bonne mère avec ses « serviteurs » : cumuls de rémunérations, cumuls de retraites, avantages en nature, indemnités de toute sorte… Livrons nous pour cette fois à une tentative de recensement du nombre considérable de « fromages », de « planques », de niches et autres sinécures réservés aux membres de l’oligarchie.
A tout seigneur tout honneur, commençons par les parlementaires. Rappelons d’abord que les députés ne le sont pour la plupart qu’à temps très partiel : cumulant plusieurs mandats électifs, ils viennent à l’Assemblée pour s’y montrer, mais passent une grande partie de leur temps dans leur circonscription afin d’y flatter leurs électeurs. Le manque de disponibilité de ces intermittents du spectacle démocratique contribue à minorer le rôle anormalement faible joué par le Parlement dans le fonctionnement des pouvoirs publics (notons que certains députés exercent même en parallèle une autre profession, comme celle d’avocat ou de professeur d’université).
Interdire tout cumul et instituer des députés à plein temps permettraient d’en réduire le nombre sans diminuer la qualité du travail parlementaire, engendrant ainsi une économie appréciable. A ce propos, il n’est pas inutile de se remémorer la juteuse opération effectuée par l’oligarchie dans les années 80. En 1985, donc, ayant décidé d’organiser les élections législatives de l’année suivante au scrutin proportionnel, la majorité d’alors estimât qu’il était nécessaire d’augmenter le nombre de députés. Il s’agissait, prétendit-on à l’époque, de permettre l’arrivée d’élus des partis jusqu’alors non représentés, tout en évitant de conduire trop de députés des partis traditionnels à se faire hara-kiri. On est donc passé de 550 à 577 députés. Par la suite le scrutin est redevenu majoritaire… sans que l’on ait pour autant jugé utile de faire revenir le nombre de ces messieurs-dames à l’étiage initial. Le tour était joué, une trentaine de plus, ni vu ni connu. Pour notre part, il nous paraîtrait amplement suffisant que le nombre des députés soit limité à 500.
Passons au Sénat, qui mérite les mêmes commentaires, plus un. Même remarque que précédemment sur la disponibilité à éclipses de cet aréopage de cumulards cacochymes. S’agissant du nombre de ces éminences, il a lui aussi augmenté de 22 unités depuis 2004, au prétexte de la croissance démographique. 5 sièges supplémentaires seront encore créés en 2011 pour atteindre un total de 348 membres (notons que le nombre des sénateurs américains, au rôle pourtant autrement plus important, est limité à 100). Relevons que la décision d’augmenter le nombre des sénateurs a été prise par une loi discrètement votée le 30 juillet 2003 (comme pour les augmentations du gaz, le cœur de l’été est un moment propice pour ce genre de réforme). Mieux encore : la loi est rédigée d’une manière telle qu’il est impossible de comprendre, à sa seule lecture, qu’elle se traduit par une augmentation du nombre de sénateurs. Même le citoyen psycho-maniaque n’ayant, un 30 juillet, rien de mieux à faire qu’à lire le JO, n’y verra que du feu : il faut se reporter à d’autres sources pour s’apercevoir de la « manip ». Résultat : l’opération est passée totalement inaperçue des électeurs. On peut souhaiter la suppression pure et simple du Sénat, dont l’utilité est nulle puisque de toute façon, dans la procédure de vote des lois, l’Assemblée nationale peut passer outre ses avis. Coût du fonctionnement du Sénat : 300 millions par an.
Voilà pour le Parlement. Deuxième source de sinécures : l’empilement des niveaux d’administration territoriale (communes, groupements de communes, départements, régions). Il permet de multiplier le nombre des élus locaux, des voitures de fonction, des voyages d’études exotiques, des bons repas aux frais de la princesse… Supprimer l’échelon départemental et répartir ses compétences entre les autres collectivités constituerait donc une mesure simple et salubre (elle permettrait au passage de rendre la répartition des compétences plus claire et les circuits de financement plus transparents et contrôlables).
Troisième secteur dans lequel faire des économies, celui des organismes consultatifs. On pense en premier lieu au fameux Conseil économique et social, censément composé de représentants des « forces vives » de la société civile (syndicats, associations…). En réalité, le Conseil en question permet surtout de placer les copains, les clients et autres « chevaux de retour ». Coût dudit Conseil : 33 millions par an. On peut supprimer. Et ce d’autant que les différents gouvernements créent systématiquement un comité consultatif, un conseil ad hoc ou une commission des sages lorsqu’il s’agit d’engager une réforme ou de manifester l’intérêt des pouvoirs publics pour telle ou telle question de société. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’utilité de ces multiples « comités Théodule » dont le plus souvent la fonction réelle est double : « faire de la mousse » pour mieux enterrer les problèmes ; et accessoirement permettre aux membres de l’oligarchie de faire leur numéro à tour de rôle (je préside le Haut-comité, tu engages une polémique, il fait un livre, nous passons à la télé…).
Quatrième procédé pour caser la nomenklatura et sa clientèle : les multiples associations financées sur fonds publics. Certaines sont sans doute utiles. Pour d’autres c’est plus douteux. On se garde bien de toute façon d’évaluer l’action et l’efficacité de la plupart de ces officines. C’est que, là encore, l’utilité première est ailleurs : le monde pseudo-associatif permet de placer de nombreux copains, obligés, et permanents déguisés des partis politiques.
Mentionnons enfin les différents services qui, au sein de l’administration, constituent des planques dorées et honorifiques. Il existe ainsi la possibilité de nommer dans les inspections générales des ministères un certain nombre de personnes (quelques dizaines par an) dans le cadre d’une procédure dite du « tour du gouvernement » : dans ces placards dorés, le gouvernement peut nommer qui il veut et ne s’en prive pas. Citons également au ministère de l’éducation nationale la dizaine de postes « d’inspecteur de l’académie de Paris » sur lesquels le gouvernement nomme qui bon lui semble, fut-il analphabète. Rattachés à l’inspection générale de l’éducation nationale ces gens ne travailleront (un peu) que s’ils le souhaitent. Sur ces postes dorés sur tranches (que les titulaires peuvent conserver jusqu’à la retraite s’ils le désirent), ont été nommés ces dernières années des anciens ministres, des journalistes amis du pouvoir, l’assistante d’un ancien premier ministre…
Quel serait le montant de l’économie réalisée par le contribuable si l’on procédait à la réduction du nombre des députés, à la suppression du Sénat, du Conseil économique et social, de l’échelon départemental et de nombreuses planques surnuméraires ? Quelques milliards, qui certes ne changeraient pas la face du monde mais redonneraient peut-être un semblant de crédibilité à la classe politique.
On nous dira bien sûr, au vu de cet article, que nous alimentons l’antiparlementarisme. L’accusation est classique : lorsqu’une maison menace de s’écrouler, on préfère souvent suspecter et maudire ceux qui donnent l’alerte, et oublier les autres, qui ont sapé les fondations.

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