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Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) est une petite ville de 20 500 habitants. Aucun plan social d’envergure n’a été annoncé, aucune grosse usine n’a fermé récemment. Pourtant, un sentiment diffus d’angoisse face à l’avenir se répand inexorablement au sein de la population. Le 29 janvier, entre 12 à 20 000 personnes étaient venues manifester à l’appel des syndicats. Portrait de quelques-un des manifestants.

La préfecture de la Haute-Loire n’avait vu ça. Des cadres dans la rue ! Des retraités paisibles, beaucoup d’enseignants et de salariés du privé, des employés de la mairie, des artisans, et même un restaurateur, battaient le pavé. Derrière une banderole de la CGT, un sympathisant de l’UMP défile. A 39 ans, il n’était jamais descendu dans la rue. Ses collègues, ouvriers sur une chaîne de montage, ont été surpris de le voir là. La direction venait d’imposer l’anticipation des congés, à prendre avant le mois d’avril. «On a l’impression, dit-il, que tout s’effondre comme un château de cartes.» (…)
Alors pourquoi cette mobilisation ? Ni zone rurale ni grande agglomération porteuse d’une dynamique, la bourgade vit «une bouffée d’angoisse face à un avenir qui n’est pas lisible», explique le maire, Laurent Wauquiez. (…) Les manifestants de janvier ont gardé le souvenir d’une atmosphère particulière : «Il n’y avait pas l’ambiance de fête des manifs», «les gens semblaient résignés, pas vraiment combatifs».
Que les revenus aient diminué ou non, les habitudes de consommation ont changé. D., 33 ans, gardien de sécurité, n’a pas le sentiment de subir la crise. Pourtant, il ne met plus les pieds dans les grands supermarchés. Il va chez Ed : «Sur le pack de Coca, il y a 10 centimes d’écart, vous vous rendez compte ? 10 centimes, c’est quasiment 1 franc !» (…)
Le tract préparé par l’intersyndicale en vue de la journée du 19 mars l’a été au lendemain de la victoire des grévistes guadeloupéens. La revendication est la même : 200 euros d’augmentation mensuelle. «C’est la seule chose capable de relancer la machine économique», dit un délégué Force ouvrière de chez Michelin. «Moi aussi, j’aurais envie de donner 200 euros à tout le monde pour que la consommation reprenne, réagit Mme Duplain, qui dirige une entreprise de sacs de plastique et de sacs de papier, mais on a des marges trop faibles, ça ne passerait pas ; on est tous dans le même bateau, qu’on soit salarié ou chef d’entreprise.» Laurent Wauquiez est plus abrupt : «Ça s’évaporerait dans l’achat de produits non fabriqués en France, ce serait un plan de relance pour l’emploi en Chine !» (…)
«Je suis dans une période de déconsommation», explique une grande brune à l’allure sportive. Elle ne regarde plus la télévision, parle avec compréhension de ses enfants, de jeunes adultes qui ont fait le choix de vivre chichement. Ce changement de mode de vie, elle le doit à une question qui la taraude : «Mais qu’est-ce que je vais laisser à mes enfants et mes petits-enfants ?»
(Le Monde)

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