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Philippe Bernard, journaliste au Monde, analyse le livre Walter Benn Michaels, professeur de littérature à l’université de l’Illinois à Chicago, La Diversité contre l’égalité.

Le paradoxe est flagrant : au moment même où l’élection du métis Barack Obama fait entrevoir l’avènement d’une Amérique postraciale, la France républicaine découvre avec quelques décennies de retard les vertus de la “diversité“.
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Même en France, la question n’est pas nouvelle. Le débat entre “droit à la différence” et “droit à l’indifférence” a divisé la gauche comme la droite depuis plus de vingt ans. La querelle à propos du “foulard islamique” en a été le paroxysme. Mais aujourd’hui un certain consensus semble s’être opéré autour de la notion floue de “diversité. Michaels nous alerte : «La “diversité” n’est pas un moyen d’instaurer l’égalité, mais une méthode de gestion de l’inégalité.» D’ailleurs, «une France où un plus grand nombre de Noirs seraient riches ne serait pas économiquement plus égalitaire». (…)
Nouvel opium du peuple, la dévotion pour la “diversité” permettrait d’évacuer la question sociale et faciliterait la soumission à l’ordre inégalitaire établi. Masquant les différences de classe, elle constituerait un piège pour une gauche en mal de valeurs spécifiques. A l’appui de sa démonstration, il souligne que le succès de la “diversité” aux Etats-unis a coïncidé avec une augmentation vertigineuse des inégalités de richesse depuis les années 1980. (…)
Ainsi, la diversité serait une sorte de «gauchisme des classes supérieures, un moyen pour les riches de faire oublier leurs privilèges et de se libérer de toute culpabilité. La religion du “respect” des pauvres transfigurés en personnes “différentes” ou perçues à travers la couleur de leur peau justifierait le maintien du statu quo social. “Tant que les affrontements concernent l’identité plutôt que la richesse, peu importe qui les gagne.» Quant à la notion de “race“, anéantie par la biologie, elle est réhabilitée sous le couvert, là encore, de respect des identités. Michaels mitraille méthodiquement les piliers du politiquement correct américain. «Exprimer ses regrets pour l’esclavage, le colonialisme, la Shoah, manifester son respect pour les gens (…) revient bien moins cher que leur verser un salaire décent.» (…)
Le Monde

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