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mercredi 1 octobre 2008 – Archivage

Dijon

Elle tente de s’immoler pour empêcher une expulsion

«Il va mourir là-bas, si on le ramène. Alors moi je vais mourir ici ! » Instants dramatiques, hier, vers 11 h 30, devant le commissariat central de la place Suquet, à Dijon : Gûzel Akkus, une jeune arménienne turque, s’est présentée, entourée d’une douzaine de membres de sa famille, devant les locaux de la police avec un bidon de 5 litres d’essence, et s’en est aspergée, menaçant de faire jaillir le feu d’un briquet qu’elle tenait à la main si son frère, Murat, 27 ans, n’était pas libéré sur le champ.
Ce dernier, ressortissant turc arménien, interpellé lundi après une infraction routière, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français depuis le 26 juin, et se trouvait en situation irrégulière depuis le 26 juillet. Célibataire et sans enfant, débouté du droit d’asile, n’ayant pas contesté, « ni de manière gracieuse, ni dans un cadre contentieux », son obligation de quitter la France, il venait de faire l’objet d’un arrêté de placement en rétention administrative et devait être conduit au centre de rétention de Lyon. « On n’a jamais fait de mal à la France. Ici, on a trouvé la liberté. On paye nos impôts, on travaille, jamais l’un d’entre nous n’a eu de problèmes avec la police. Nous sommes tous commerçants, Il n’y a pas dans notre famille de Rmistes ni de chômeurs. On a laissé nos problèmes en Turquie. On ne veut pas en retrouver ici… Si Murat retourne en Turquie, il aura de gros ennuis. Il y a des Droits de l’homme ici tout de même ! » expliquaient les membres de la famille de l’expulsé.
Vingt minutes plus tard, alors que le dialogue s’était engagé avec la police et la préfecture, que la voiture qui devait conduire le jeune homme à Lyon avait été stoppée et faisait demi-tour pour rejoindre le commissariat afin que sa famille puisse le voir, qu’une équipe de pompiers et une équipe du SAMU étaient sur place, la jeune femme s’est aspergée une seconde fois, puis une troisième fois d’essence, et a brandi son briquet.
Arrosée par les pompiers

Un gardien de la paix s’est jeté sur elle et les pompiers l’ont immédiatement arrosée, ainsi que les personnes qui se trouvaient autour d’elle. Une échauffourée entre gardiens de la paix et membres de la famille a suivi. La jeune femme a été emmenée au commissariat central où elle a été examinée par un médecin et interrogée par le service de quart, et l’un de ses cousins a été lui aussi interpellé et entendu. Plusieurs policiers ont été légèrement blessés.
Deux membres de la famille ont été reçus vers midi à la préfecture de région, par le directeur de cabinet du préfet.
Dans un communiqué, la préfecture annonçait hier qu’ « à titre exceptionnel, la procédure de placement en centre de rétention a été suspendue ». Murat a été libéré en début d’après-midi et a rejoint sa famille.
Parmi les personnes qui ont été reçues à la préfecture, se trouvait Victor Akkus, le président de l’Amicale des arméniens de Bourgogne-Franche-Comté, une communauté d’un millier de personnes : « c’est la première fois depuis le début de notre arrivée dans cette région, il y a 30 ans, que nous faisons parler de nous », a expliqué M. Akkus, « mais ce jeune homme ne peut pas retourner en Turquie. Ce serait un drame. »
La préfecture lui a indiqué que « la situation de ce ressortissant turc sera examinée par le service des étrangers au vu des nouveaux éléments qu’il sera en mesure de produire. »
Cependant, Murat « reste sous le coup de l’obligation de quitter le territoire français », a expliqué dans la soirée Pierre Regnault de la Mothe, directeur de cabinet du préfet, en précisant qu’un problème juridique s’était posé : « en faisant revenir l’escorte qui le conduisait à Lyon, nous sortions des limites de la garde à vue. Nous n’avons pas voulu courir le risque de nous mettre hors la loi. Bien entendu, le côté humain a également été pris en considération. Cependant, juridiquement, le jeune homme est toujours en situation irrégulière. Nous attendons qu’on nous transmette des éléments nouveaux, pour examiner sa situation de manière sereine, et non dans l’intensité dramatique vécue ce matin. »
Enfin, le préfet a salué dans son communiqué « le sang-froid des fonctionnaires de police qui se sont rendus maîtres de la situation alors que la jeune femme avait déjà commencé à mettre sa menace à exécution. »
Gilles Dupont

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