Episode 1

Eglantine s’ennuie dans son 120 m² place de la Contrescarpe. Mardi après-midi…
(Voix off) Pas envie d’aller à la fac. Pfff, les partiels de socio approchent… Pas grave, toute façon c’est papa qui subvient à tous mes besoins … et Papa adore tellement sa petite fleur ! Allons, j’ai tout mon temps. Non, le problème, c’est que je n’arrête pas de penser à Abdoul, ce charmant Kabyle rencontré en boîte dimanche soir … La classe ! Ça me change des copains de fac, ces fadasses blancos. L’autre fois, quand j’y pense, Lilian qui me fait de la retape, avec sa bonne gueule de scout … (Elle glousse) Trop pas mon style ! J’ai pas pu m’empêcher, je lui ai ri au nez. Bon allez, j’ose ! Je tape le SMS à Abdoul, on verra bien … (par GAG)

Episode 2

Au même instant, Jean-Yves, le père d’Eglantine, sort du cabinet du Dr Loewenstein, son psychothérapeute.
Depuis la séparation d’avec sa femme, et depuis le suicide de son fils lors de l’incarcération du chanteur de Noir-Désir, ce rendez-vous hebdomadaire est la seule chose qui lui permet de continuer à tenir sa galerie d’art comme si de rien n’était. Il avait fini par ressentir un grand vide… du ridicule même, à la vue des toiles post-modernes exposées dans sa galerie de Saint-Germain des Près. Le Dr Lowenstein lui a redonné espoir et goût à la vie.

Requinqué après sa séance, Jean-Yves se fait bousculer dans l’escalier par un grand éphèbe noir d’une vingtaine d’années.
– Vous… vous venez voir le Docteur ?
– Non, je vien’ livwé l’eau pouw la fontaine.
Un sentiment nouveau envahit Jean-Yves, une émotion diffuse qu’il lui tarde d’explorer. Saura-t-il gagner la confiance de Mamadou ? Celui-ci lui avouera-t-il son terrible secret : il est sous le coup d’une procédure d’expulsion… (Petit Sanglier)(partiellement ré-écrit)

Episode 3

Eglantine, toujours lovée dans ses draps de soie, referme son iphone.
Se lever… Faut bien, maudits partiels. Méga chiant ! Clic. Un peu de Sniper, ça va me réveiller. “La France est une garce et on s’est fait trahir. On nique la France. Bientôt à l’Élysée des arabes et des noirs au pouvoir”. Ça, c’est des mecs. Je les a croisés au Concert contre le racisme organisé par Delanoe. Ils sont trop mignons.

Encore un peu titubante, elle ouvre sa fenêtre. Des effluves grasses de kebab envahissent la pièce.
“Aaaaaaah, Marakkech ! Ah non, pfffff, c’était Casa. Enfin tout ça c’est pareil ! Casa, c’était chouette, surtout 3 semaines au Club Med payées par Papa. Pour oublier la prépa ratée au Lycée Henri IV. Casa, c’était tellement… authentique. Tellement vrai. Et les indigènes sont tellement gentils, tellement serviables… Quand je pense aux atrocités de la France là-bas, la torture, en 1940. A moins que ce soit en Tunisie ? “La France aux Français, tant que j’y serais ce sera impossible” hurle Sniper. Ça va pas plaire à mon voisin François, ce facho ! Un jour, il m’a demandé de baisser parce que Diams, ça le saoule, qu’il a dit. Quel ringard, j’suis sur qu’il vote Le Pen.

Tout à l’heure, c’est soirée diapo chez Hugues et Priscille, qui rentrent du Cameroun, leur 3ème voyage de l’année. Une “expérience tellement enrichissante” . Et tous ces noirs… “sales, mais d’une beauté…”. D’ailleurs, “l’Afrique, c’est pas du tout ce qu’on pense !”.

Hugues et Priscille y ont retrouvé la sagesse ancestrale et “le véritable sens de la vie” propre aux Africains. Et aussi un pantalon bariolé pour lui, et une coiffure rasta pour elle. Sans parler d’un authentique djembé en bois d’arbre équitable acheté dans la petite échoppe, près du Holiday Inn. Hugues, ton boulot d’éducateur de rue ? Je reprends demain. C’est la fin de mon congé maladie… mais je vais sûrement tomber malade le mois prochain.

Eglantine soupire en se roulant un dernier joint. Elle aussi rêve d’une vie d’aventurière. Cette France moisie la déprime… Demain, c’est décidé, elle mange du manioc !
(par L’ancien + Gondebaud)(partiellement ré-écrit)

Episode 4

“… lenciennes par 2 buts à 0. Et pour terminer ce journal, une bonne nouvelle : le RMI sans-papiers sera revalorisé de 30% le mois de juin prochain. Bonne journée sur Métisse-info“. “Je vais être en retard”, grogne Eglantine en claquant sa porte blindée trois points.

Zut, plus de Vélib… Dans le bus, assise entre deux femmes voilées enceintes jusqu’aux dents, elle dévisage les passagers. Au fond, une bonne soeur décatie, accrochée à sa poignée, essaye de ne pas se faire remarquer. « Intégriste… » peste Eglantine. “Dire que c’est à cause d’elle qu’il y a le Sida en Afrique.”

Au salon de thé macrobiotique, elle retrouve Dominique et Coralie. Ses deux amies lesbiennes lui font part de leur désir d’enfant. Simon, un pote gay s’est porté volontaire mais Domi n’est pas très chaude. Eglantine songe à Nestor, un étudiant Congolais de 39 ans : en faisant un mariage blanc, elles pourraient poser une demande d’adoption et lui pourrait avoir ses papiers. En tout cas, elles choisiront un petit haïtien. De plus de deux ans, pour qu’il soit propre. « Il sera trop craquant en Bravollywood ». Twee-bliiip. Eglantine sort son portable de son petit sac à dos nounours.
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Dans sa galerie déserte, Jean-Yves finit d’accrocher avec soin le gigantesque portrait d’une Vierge en porte-jarretelles. Ça valait bien les 100.000 euros de subventions pour la promotion des artistes transexuels d’Ile-de-France, songe t’il.

“On l’accwoche où, patwon, le Chwist en éwection ? ” demande Mammadou.
(par Zingueur + divers)(+ partiellement ré-écrit)

Episode 5

« Allo, Eglantine ? » Zut, c’est Clémentine Hautaine… Je lui avais promis… Pas question que j’aille au meeting RESF ce soir. L’autre fois, un sans-papier a vomi sur mon chemisier Sonia Rykiel. J’ai jamais pu le ravoir. «J’ai mes ragnagnas, Climi chérie. Et une dissert ! “Tolérance et humanisme dans la sharia”. Ça va pas être possible… »

Ce soir Eglantine broie du noir. Elle n’a pas eu la moyenne exigée de 3.5/20 à son oral de repêchage à la Fac Harlem Désir de Saint-Denis.“Trop chôôôô cette UV sur le règne de Louis 18 ! C’est vraiment pour les ringards, l’histoire de France… Ce coup-ci, c’est sûr, pour le DEUG en 5 ans c’est mort !”

Sur son ibook 7 giga, Egalntine tente de calculer la moyenne de ses deux partiels du semestre. J’additionne ça…  Hmm… coefficient 1… heu… Ca m’vénere les maths. Pas étonnant que les jeunes crament les écoles. La prise de tête !
Après 40 minutes d’efforts, elle finit par réaliser que malgré son brillant 5/20, meilleure note de l’amphi, sur les racines kémites de la sous-culture européenne, ça risque d’être trop juste pour décrocher son diplôme.
Pour oublier ses malheurs, elle décide de regarder la quotidienne dédiée à la Shoah sur Arte tout en tirant sur sa chicha bio.. «J’aurais pas aimé vivre en 1914 !» songe-t-elle.
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Le regard perdu sur les élégantes moulures du plafond, Jean-Yves réprime un sanglot.
– Docteur, j’ai honte, j’ai tellement honte…
– (…)
– Toutes les nuits , je… je profite de Mamadou, mon nouvel employé sans-papier… J’ai trahi mes convictions d’homme de gauche.
– (…) ?
– Je lui avais promis d’envoyer son dossier de régularisation à la préfecture… Mais je ne veux pas que Mamadou soit régularisé, je veux le garder… Je ne peux plus me passer de son… de sa… de sa différence. Je suis un négrier !
– Abandonnez la morale petite-bourgeoise matérialiste, laissez parler vos instincts ! Ce sera 100 euros.
(par Bonobo + divers)(+ partiellement ré-écrit)

Contributions demandées.

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