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De l’extérieur, l’Institut Évidences apparaît comme un think tank scientifique indépendant, consacré à la rationalité et à la lutte contre la désinformation. Mais derrière l’image lisse d’une “science au service du débat public”, l’organisation révèle une architecture profondément connectée à l’appareil d’État, à des financements publics et à des partenaires idéologiquement situés. Plongée dans une structure qui incarne la nouvelle technocratie française.


Une façade apolitique, un discours parfaitement calibré

Lancé début 2025, l’Institut Évidences se présente comme une initiative citoyenne destinée à replacer la méthode scientifique au cœur de la démocratie. Le message est rodé : esprit critique, expertise, lutte contre les fausses informations.

Pourtant, dès que l’on observe sa direction, ses ressources et ses réseaux, le tableau change : l’institut évolue moins dans le champ neutre de la science que dans celui, plus stratégique, de l’influence publique.


À sa tête, Agnès Buzyn : la continuité du pouvoir technocratique

La présidence de l’Institut est confiée à Agnès Buzyn. Si elle est professeure de médecine, elle est surtout une figure politique majeure des années Macron :

  • ministre de la Santé (2017–2020),
  • ancienne présidente de l’INCa et de la Haute Autorité de Santé,
  • candidate LREM à la mairie de Paris,
  • cadre d’agences publiques stratégiques.

Ce parcours incarne le profil typique de la haute technocratie française : circulations entre expertise médicale, administration et décision publique. Son retour via un think tank se lit comme un repositionnement stratégique : quitter le gouvernement tout en continuant d’influencer les priorités nationales depuis un espace plus souple, moins exposé, mais tout aussi actif.


Aux commandes opérationnelles, des figures des cabinets ministériels et de Terra Nova

Mélanie Heard, la stratège venue de Terra Nova

Déléguée générale de l’Institut, Mélanie Heard est politologue et ancienne responsable de la section Santé du think tank Terra Nova.

Or Terra Nova n’est pas neutre :

  • proche historiquement du Parti socialiste,
  • producteur de notes programmatiques,
  • acteur majeur de l’évolution idéologique de la gauche réformiste.

Son arrivée inscrit Évidences dans une filiation intellectuelle assumée, ancrée dans l’orientation des politiques publiques.

Un comité éditorial très institutionnel

L’équipe rassemble également :

  • des chercheurs issus d’organismes publics,
  • d’anciens ministres de la macronnie
  • d’anciens conseillers ministériels macronnistes,
  • des responsables de communication scientifique,
  • des membres de conseils consultatifs nationaux.
  • un sondeur

Une constellation de profils habitués aux rouages de l’État, révélatrice d’un think tank hybride, mi-scientifique, mi-politique.


Des financements publics qui posent la question de l’indépendance

L’Institut Évidences reçoit un soutien important d’organismes publics comme :

  • l’INSERM,
  • l’INRAE,
  • l’Institut Curie,
  • le CEA,
  • des collectivités territoriales.

Ces financements ne sont pas illégitimes. Mais ils révèlent un ancrage clair : les grandes agences françaises de recherche étant sous tutelle ministérielle, leur soutien acte une forme d’adossement institutionnel.

L’Institut n’est donc pas un acteur autonome : il se situe au cœur même de l’écosystème étatique qu’il prétend conseiller.


Terra Nova, un partenaire stratégique révélateur

Parmi les acteurs associés aux activités de l’Institut, Terra Nova occupe une place centrale.

Indices de cette proximité :

  • organisation d’événements communs,
  • interventions croisées,
  • remerciements réguliers à Thierry Pech, directeur général du think tank,
  • trajectoire professionnelle de la déléguée générale.

Ce partenariat installe l’Institut Évidences non pas dans un espace strictement scientifique, mais dans un réseau idéologiquement balisé, clairement positionné dans le paysage politique français.


Le cœur du projet : une technocratisation du débat démocratique

Sous couvert de scientificité, Évidences promeut un projet intellectuel fort :

  • faire de l’expertise un pilier de la décision politique,
  • marginaliser les opinions au profit des “faits”,
  • repositionner les experts comme acteurs centraux du débat démocratique.

Une vision typique de la technocratie contemporaine, qui s’appuie sur l’idée que la science fournirait des réponses neutres et incontestables.

Or, en pratique :

  • choisir les experts est un acte politique,
  • définir ce qu’est un problème “scientifique” l’est aussi,
  • présenter une mesure comme “nécessaire scientifiquement” peut servir d’outil de légitimation.

L’Institut Évidences participe ainsi à une recomposition de la gouvernance où la rationalité scientifique devient un argument de pouvoir.


Le risque : brouiller les frontières entre expertise et influence

Qu’un scientifique conseille l’État n’a rien d’anormal. Qu’un gouvernement invoque la science pour légitimer ses décisions non plus.

Le risque apparaît lorsque les deux sphères fusionnent dans des structures hybrides :

  • financées par l’État,
  • dirigées par d’anciens ministres,
  • animées par des stratèges issus de think tanks politiques,
  • cherchant à structurer le débat public.

C’est précisément la configuration de l’Institut Évidences : un espace où se mêlent recherche, communication publique et stratégie politique.


Un acteur politique qui parle au nom de la science

L’Institut Évidences n’est pas illégitime. Il enrichit le débat démocratique, comme tout think tank. Mais il doit être compris pour ce qu’il est :

  • financé par des fonds publics,
  • dirigé par d’anciennes figures gouvernementales,
  • structuré par des cadres issus de think tanks politiques,
  • associé à des partenaires idéologiquement marqués,
  • promoteur d’une vision technocratique de la démocratie.

Sous l’apparence consensuelle de la défense de la “science”, Évidences s’impose comme un nouveau centre d’influence façonné par les élites administratives françaises — un laboratoire où expertise, pouvoir et stratégie politique se confondent.

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