À Paris, plusieurs jeunes femmes musulmanes racontent avoir été exclues de mosquées, contraintes de prier sur le trottoir. « J’ai fini par prier dehors », témoigne Esra, 19 ans, refoulée en novembre 2023 à la mosquée Ali-ibn-Abi-Talib. Les responsables leur auraient répondu : « Tu ne peux pas », sans autre explication. Certaines se disent humiliées, d’autres parlent d’un sentiment d’abandon : « Plus le temps passe, plus je me rends compte qu’on est seule en tant que femme musulmane dans notre combat », confie Maïmouna, 23 ans.
Les faits s’étalent sur plusieurs mois : refus d’accès, portes closes, pressions pour partir — jusqu’à la prière accomplie sur le trottoir, « à deux mètres de la mosquée ». « Il faisait chaud, j’avais faim, je n’ai même pas eu l’énergie de polémiquer », raconte Maïmouna, refoulée en plein ramadan. La mosquée invoque un espace féminin « parfois utilisé par les hommes » ; mais sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient, accompagnés de dizaines d’avis Google dénonçant le même scénario.
Face aux critiques, les jeunes femmes décrivent une double peine : hostilité masculine et peur d’être instrumentalisées. « Quand les femmes musulmanes veulent dénoncer, on veut systématiquement les silencier », dit Maïmouna. Selon l’islamologue Fatima Khemilat, « c’est le silence institutionnel musulman sur la condition des femmes qui permet que ces discriminations genrées se reproduisent ». Beaucoup prient désormais ailleurs, parfois seules, dans la rue ou au bureau, convaincues que, même dans la capitale, « il faut ruser pour trouver un coin où prier ».






