Après son audition par le régulateur, mercredi 17 septembre, la dirigeante appelle à « admettre que CNews est un média d’opinion » et une « chaîne d’extrême droite ». Dans un entretien au « Monde », elle plaide pour un véritable soutien politique et financier aux médias de service public.
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Faut-il, comme l’a fait Radio France, répondre publiquement à ces attaques ?
La galaxie médiatique de Vincent Bolloré veut la peau de l’audiovisuel public, réclame sa privatisation, et l’exprime avec violence. Avec nos obligations en matière de pluralisme, d’indépendance, et de garantie de la liberté d’expression, etc., nous lui posons problème. A un moment, il faut dire stop. On a besoin de toutes les bonnes volontés républicaines de ce pays pour s’élever contre cette violence verbale de nature presque politique.
Diriez-vous qu’entre vos obligations d’un côté et le manque de pluralisme sur l’antenne de CNews se pose un problème d’équité ?
Il faut admettre que CNews est un média d’opinion. Qu’ils assument d’être une chaîne d’extrême droite !
La loi de 1986 sur l’audiovisuel ne permet pas ce cas de figure, puisque les chaînes sont tenues à des obligations de pluralisme…
Pardon, mais c’est pourtant le cas. Je ne sais pas ce qu’en pense l’Arcom, il faudrait le lui demander. Ce qui m’inquiète désormais, c’est qu’une partie du personnel politique prend pour argent comptant ce qui est affirmé, et repris sur les réseaux sociaux, sans vérifier ce qui s’est vraiment passé ; c’est ce qu’on appelle la post-vérité. Est-ce qu’on veut ressembler aux Etats-Unis, ou à certains pays européens ? S’il n’y a pas un soutien fort à l’audiovisuel public, à ce que nous représentons d’indépendance, de liberté d’expression, de liberté d’investiguer, alors que les réseaux sociaux se rangent de plus en plus à l’idéologie MAGA [Make America Great Again] et que des ingérences étrangères nous menacent, on va au-devant de graves problèmes.
Estimez-vous que cet appui vous fait défaut ?
Je pose la question. Si ce soutien consiste à garantir l’indépendance de l’audiovisuel public, donc un financement pérenne, alors on ne l’a pas. Nous connaissons les difficultés économiques du pays. Mais cela fait dix ans que notre financement baisse – s’il n’a pas évolué en euros courants, nous avons absorbé 25 % d’inflation. Si je me réfère à ce qui se dessinait au début de l’été [une coupe de 70 millions d’euros pour Radio France et France Télévisions], cela aura d’importantes répercussions sur notre capacité à investir dans les programmes de flux, la fiction, le documentaire, l’animation.
C’est un message au futur ministre de la culture ?
Pas seulement, mais au personnel politique dans son ensemble et aux Français. Lorsque je discute avec mes collègues européens, les seuls qui comprennent vraiment la situation sont la Suède et l’Ukraine. Volodymyr Zelensky, qui manque de tout, n’a pas coupé les crédits de l’audiovisuel public. En Suède, c’est le chef d’état-major lui-même qui s’est élevé publiquement, dans une tribune, pour qu’on ne s’attaque pas aux crédits de l’audiovisuel public. On débat à l’infini de la rencontre entre deux journalistes et deux responsables politiques, mais peut-on élever un peu le niveau ? Que se passe-t-il demain s’il y a la guerre en Europe ? Qui va défendre la position française ? Les chaînes d’opinion prorusses ?