Selon une étude IFOP pour la fondation Excellence Ruralités, près de 87 % des Français considèrent que les campagnes sont délaissées. Ce malaise, longtemps cantonné aux zones isolées, apparaît désormais comme un constat largement partagé, y compris en dehors des territoires ruraux. L’école est identifiée comme le premier marqueur de cette mise à distance.
Les habitants des campagnes expriment un niveau de défiance particulièrement élevé : 89 % affirment se sentir abandonnés, avec des pointes allant de 82 % chez les moins de 35 ans à 91 % chez les plus de 65 ans. Politiquement, la critique traverse tous les électorats, des sympathisants du RN et de Reconquête (91 %) jusqu’à ceux du camp présidentiel (77 %). Dans ce contexte, six Français sur dix estiment que les élèves en difficulté sont mieux accompagnés en ville qu’à la campagne. Les ruraux, eux, continuent de placer l’école au cœur des solutions pour réduire la fracture territoriale : 86 % jugent qu’elle pourrait jouer un rôle déterminant.
Jean-Baptiste Nouailhac, président d’Excellence Ruralités, souligne une inégalité structurelle : « Un élève rural en difficulté a aujourd’hui trois fois moins de chances qu’un élève urbain de bénéficier des dispositifs d’éducation prioritaire ». Il dénonce une mécanique pensée pour les quartiers urbains, laissant de côté des territoires entiers où les difficultés scolaires sont pourtant marquées. Les données nationales confirment ces écarts : dans les petites villes, les élèves présentent 12 % de difficultés supplémentaires en français, et neuf des dix départements aux plus faibles scores en lecture à 15 ans sont ruraux.
Les attentes des Français convergent autour de trois priorités : réduction du nombre d’élèves par classe, adaptation des programmes et du temps scolaire, renforcement du soutien et de l’accompagnement individualisé. Mais la question des trajets — allongés par la fermeture de classes et la concentration des services — demeure absente du débat public. Nouailhac défend un principe d’égalité du temps d’accès à l’école. Il pointe aussi la difficulté d’orientation : les jeunes ruraux se projettent moins dans des études longues, non par manque d’ambition mais en raison du coût matériel et social d’un départ précoce du domicile familial.
Face à ces constats, la fondation appelle à une refonte des politiques éducatives : abandonner les critères géographiques datés et allouer les moyens selon un indicateur unique, transparent et fondé sur les résultats scolaires. « L’école doit redevenir un instrument d’égalité », conclut Nouailhac, voyant dans ce sondage à la fois une critique sévère et une confiance persistante envers l’institution.








