Huit ans après avoir fui la Tunisie où elle vivait traquée, condamnée et menacée de mort par sa propre famille, Mélissa Bouasker, 29 ans, comparaît devant les assises de l’Isère. L’exil, la transition, puis les drames : en 2021 et 2022, deux hommes poignardés, l’un à Fontaine, l’autre à Corenc, ce dernier mort sous une quarantaine de coups de couteau.
Le procès a ouvert sur son histoire marquée par la violence et le rejet. Elle raconte une enfance entre coups de sa mère, viols, institutions et une famille éclatée où se mêlaient prostitution et proxénétisme. « Je me sens femme depuis que je suis toute petite », dit-elle, en évoquant les humiliations répétées : « Tu parles comme une fille », « tu marches comme une fille ». Les experts décrivent une personnalité « impulsive », « borderline », nourrie de souffrances et d’un sentiment d’abandon permanent.
Face aux jurés, les travailleurs sociaux brossent des portraits contradictoires : pour certains, « menteuse et manipulatrice », pour d’autres « victime jamais protégée par sa famille ni les autorités ». Un psychologue évoque « une adaptation malheureuse à un environnement chaotique », tandis que l’accusée conclut : « Quand je suis devenue Mélissa, je n’ai pas changé. Je me suis toujours sentie Cherifa », le prénom féminin que sa mère lui donnait enfant à Sousse.