Pour la première fois depuis 1945, le nombre de décès cumulés sur 12 mois dépasse le nombre de naissances. Pourtant, la population de la France ne devrait pas diminuer avant une vingtaine d’années. Jusqu’alors, la France pouvait se targuer de maintenir un taux de natalité supérieur à la moyenne européenne, préservant ainsi une dynamique favorable à son système de retraite et de solidarité. Comment l’expliquer, et quels enjeux ce retournement met-il en évidence ?
Les raisons pour l’expliquer sont multiples. « En 2023, les femmes ont leur premier enfant à 29,1 ans en moyenne, soit 5,1 ans plus tard qu’en 1974 », rappelle Chloé Tavan. Tandis que le désir d’enfant ou le nombre d’enfant souhaité par les jeunes générations diminue, relèvent plusieurs enquêtes. En cause, le pouvoir d’achat, la difficulté d’accès au logement, le contexte anxiogène et la perception de l’avenir des jeunes, avec notamment le changement climatique. Sans oublier les obstacles médicaux rencontrés par de plus en plus de couples.
En parallèle, la mortalité progresse comme anticipée, en raison de l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges élevés, même si l’espérance de vie continuait à progresser en 2024. […]
Cela veut-il dire que la population chute en France ?
Non, car ce solde naturel doit être complété par le solde migratoire, c’est-à-dire le nombre de personnes qui rejoignent ou quittent notre pays. Ils sont plus nombreux à immigrer, d’où le fait que la population continue au total de progresser en France. Ainsi, « la population a augmenté de 169 000 habitants en 2024 (+ 0,25 %), relevaient dans une étude de mars 2025 les experts de l’Ined Gilles Pison et Laurent Toulemon. La croissance tient pour les neuf dixièmes à l’excédent des entrées sur les sorties du territoire (solde migratoire, estimé à 152 000 par l’Insee) et pour un dixième à l’excédent des naissances sur les décès (solde naturel). » Ce dernier n’est donc plus d’actualité.
C’est pourquoi l’Ined prévoit une hausse de la population jusqu’à un plafond à 70 millions dans les années 2040, puis une diminution jusqu’à 68 millions en 2070. L’Insee arrive in fine au même résultat. Mais cela dépendra donc également des choix politiques faits par la France en termes d’immigration.
Quel impact sur le plan économique et social ?
La France affichait jusqu’alors un taux de natalité supérieur à la moyenne de l’Union européenne. La plupart des États membres sont déjà confrontés à un solde naturel négatif.
Les conséquences pour la France ne sont pas neutres. On le voit déjà dans les changements de consommation : moins de vente de produits pour bébé, place à la « silver » ou « senior » économie. Mais aussi des changements structurels, avec une baisse du nombre d’écoliers. À terme, ce seront ensuite moins d’étudiants, puis moins d’actifs. Et donc moins de cotisations sociales et de bien portants pour financer les dépenses liées aux retraites, à la dépendance et à la santé de la population qui ne pourront que progresser avec son vieillissement. Comment faire pour que la solidarité intergénérationnelle ne devienne insoutenable à porter pour les plus jeunes ?
Selon l’institut Montaigne, qui vient de réaliser un gros exercice de prospection autour de « la France en 2040 », la part des 65 ans et plus « dépassera possiblement 28 % en 2040 (contre 22 % en 2025). (…) Dans certains départements comme la Dordogne ou la Charente-Maritime, la proportion de personnes âgées de plus de 64 ans devrait dépasser les 40 %. » Pour ce think-tank plutôt libéral, « la croissance de la population reposera sur une immigration essentiellement familiale ou étudiante, peu à même de compenser l’émigration des diplômés et la pénurie générale de compétences productives. » […]
Dans son livre « les batailles de la natalité » (Édition l’Aube), le sociologue Julien Damon soulignait le paradoxe : « quand nombre de pays pauvres souhaiteraient voir leur fécondité diminuer, nombre de pays riches veulent voir la leur augmenter. » Après avoir décrypté les limites des politiques de natalité traditionnelles, il estime que « la munition essentielle », c’est de faciliter l’activité des femmes. Avec l’impératif de pouvoir mieux concilier vie de famille et travail rémunéré , via plus d’offre de qualité à des gardes d’enfant, et un soutien aux jeunes dans l’accès au marché du travail et à un logement abordable. Mais aussi des pistes plus originales, comme le soutien aux familles recomposées.