C’est un cri du coeur, lancé avec la voix nuancée, et posée, qui caractérise Chems-eddine Hafiz, le recteur franco-algérien de la Grande Mosquée de Paris. L’ancien avocat publie « Défaire les ombres » (Éd. Albouraq, 136 p., 10 euros),un livre coup de gueule contre les amalgames dont souffrent aujourd’hui les musulmans en France, mais aussi une déclaration d’amour à la République et à la laïcité.
Vous écrivez : « Les musulmans ne sont pas les adversaires de la République. » Est-ce audible après le rapport sur l’entrisme des Frères musulmans, dans lequel vous êtes mis en cause au sujet d’imams affiliés à la Grande Mosquée?
Je n’ai jamais été contacté par la police là-dessus ! Je n’ai aucune ambiguïté : j’ai toujours combattu l’islam politique, et je n’ai aucun lien avec les Frères musulmans. En créant un tel raccourci, ce rapport – dévoilé au lendemain de l’enterrement d’Aboubakar Cissé – fabrique un ennemi de l’intérieur : le musulman.
Vous dénoncez l’amalgame entre islam et islamisme, tout en constatant que le séparatisme existe en France…
Bien sûr, et je l’ai dénoncé très tôt. Ceux qui disent le contraire sont dans le déni. Le résultat, c’est que les musulmans sont pris en tenaille entre l’extrême droite et l’extrémisme de cette minorité issue de notre propre communauté.
En 2021, vous écriviez un « Manifeste contre le terrorisme islamiste ». Quatre ans après, qu’est-ce qui a changé ?
Les attaques contre les musulmans ont augmenté. Les idées de l’extrême droite ont infusé, et d’autres partis leur courent après. Il faut un ennemi : le musulman.
Vous rendez aussi hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard. Les enseignants sont un rempart, mais un rempart qui a peur…
J’appréhende le jour où, peut-être, le fils de Samuel Paty, dont l’assassinat m’a traumatisé, viendra me dire : « C’est à cause de votre religion que mon papa a été tué. » Dans l’islam, le sachant est juste en dessous du Prophète. Pour beaucoup de musulmans, l’école est un ascenseur social. Alors si on s’en prend aux professeurs, on oblitère notre avenir. […]