En déplacement en Guyane, le garde des Sceaux a été forcé ce lundi 19 mai de clarifier son projet d’ouverture d’un quartier de haute sécurité dans la future prison de Saint-Laurent-du-Maroni.
Samedi, un article du JDD a révélé que cet établissement de 500 places pourrait accueillir des narcotrafiquants, des fichés S et des détenus radicalisés. De quoi laisser entendre que certains pourraient être transférés depuis la France hexagonale. (…)
L’annonce a suscité de vives critiques à Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième ville de Guyane et ex-colonie pénitentiaire, frontalière avec le Suriname. Plusieurs élus locaux et la collectivité territoriale de Guyane ont dénoncé un projet évoquant un «retour du bagne». (…)
Rétropédalage du ministre : en marge de sa visite du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, seule prison de Guyane, Gérald Darmanin a assuré ce lundi que ce quartier de haute sécurité, le troisième de ce type annoncé en France pour accueillir les prisonniers les plus dangereux, n’aurait pas vocation à accueillir des détenus venus de l’Hexagone. «Il y a très largement de quoi faire parmi la délinquance, la criminalité en Guyane et aux Antilles», a-t-il assuré aux journalistes. Ce quartier sécurisé comprendra «une soixantaine de places» destinées à «isoler totalement ces narcotrafiquants de Guyane et des Antilles», a-t-il encore précisé. (…)
Marine Tondelier, présidente des Écologistes : “La symbolique qui consiste à installer une prison en Guyane pour des non-Guyanais est extrêmement problématique. On voit bien la référence historique au bagne, on relègue les territoires d’outre-mer à l’une de leur assignation au moment de la colonisation : un emprisonnement qui se double d’une mise au banc géographique”, a-t-elle déclaré ce matin sur RMC. (…)
La maire de Saint-Laurent, Sophie Charles, s’est adressée au ministre : “Lorsque la population s’est rendue dans les rues en 2017 pour réclamer une cité judiciaire dans l’Ouest il était question de faciliter la vie pour les familles, pour les prisonniers qui étaient systématiquement mis soit en hexagone soit à Cayenne et dont les familles étaient complètement brisées et démunies. Je rappelle que cet espace n’est pas le lieu où nous devons faire revenir des prisonniers déportés dans l’Ouest. Cette page de l’histoire est tournée et j’espère qu’elle ne reviendra pas”, s’est elle exclamée.
L’Association des maires de Guyane (AMG) déplore qu’aucune concertation préalable n’a été engagée avec les élus locaux. “La Guyane est évoquée comme un point de passage du narcotrafic, il ne saurait être question de réduire notre territoire à cette seule réalité, ni d’y voir un lieu où ce fléau s’enracinera et se développera”.
De son côté, le député de Guyane Jean-Victor Castor a adressé une lettre ouverte au premier ministre François Bayrou. Il dénonce une insulte à l’histoire de la Guyane, une provocation politique et une régression coloniale. “Faire de la Guyane un bagne 2.0 pour les narcotrafiquants, les fichés S et les terroristes, c’est faire le choix du mépris”, écrit-il.