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« ATHENA », le nouveau film de Romain Gavras accusé d’inconséquence politique : “Il met en image un fantasme de la droite et de l’extrême-droite” (MàJ)

23/09/22

Inconséquence politique dans la forme

On pense à Bac Nord, de Cédric Jimenez, sorti il y a peu, et qui avait défrayé la chronique, mais à côté d’Athéna, Bac Nord c’est Marius et Jeannette. Gavras va bien plus loin dans la déshumanisation. La foule est constituée de deux troupeaux : les guerriers tous en même survêtement indistincts, et les civils, mamans en foulard et vieux musulmans confus. Même les héros, constitué par ce trio de frères, sont sommairement élaborés. Apparemment ces gens-là ne sont pas capables de parler, de se parler – on comprend à peine ce que disent les acteurs qui vocifèrent et hurlent des insultes en permanence. Un film qui maltraite ses personnages, en général, c’est le signe d’un problème éthique de représentation. Bac Nord, c’était un film policier, filmé du point de vue de la police, ça ressemblait un peu à un tract pour un syndicat des forces de l’ordre, mais on était prévenu. Athéna est incohérent. A la fois il prétend à une sorte d’abstraction – avec cette cité imaginaire, une esthétique vaguement dystopique de jeu vidéo, et en même temps il fait signe vers le réel : des lieux sont cités qui sont de vraies banlieues du 93, les discours politiques à la télé sont ceux qu’on entend régulièrement, les CRS sont des CRS.

Cette incohérence formelle est le signe d’une profonde inconséquence politique et cette inconséquence est largement partagée quand il s’agit de représenter la jeunesse pauvre et racisée de France. Je veux bien croire que Gavras croit soutenir une forme d’insurrection nécessaire – j’ai même lu sur une couverture de magazine “Athéna L’insurrection qui vient”, en référence à un petit livre signé par le Comité invisible, un collectif de la gauche insurrectionnaliste – mais son film fait l’inverse, il fait le service d’ordre. Athéna met en images un fantasme de la droite et de l’extrême-droite, ce fameux “ensauvagement” – d’ailleurs, catastrophe absolue du scénario, on nous montre vite que la pointe avancée de la révolte sociale, c’est l’islamisme radical, incarné par un fou de Dieu revenu de Syrie. Je ne vous parle même pas du twist final qui vient, s’il en était besoin, pulvériser tous nos doutes, en détruisant totalement la légitimité première de cette violence qui se déchaîne sur petit écran. Ce qui est sûr c’est que Romain Gavras sait faire des clips, et là on n’est pas très loin du clip de campagne.

(…) France Culture

23/08/22

Mediapart

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