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– J.M. Aphatie: « “Rendre la France aux Français”, ça nous a un peu écorché l’oreille, pour tout vous dire. On croyait que ce slogan était à un autre parti. »
– R. Garrido: « Eh bien, il faut pas. Parce que cela renvoie à la notion de souveraineté. Vous avez une extrême droite, en France et en Europe, qui conçoit la souveraineté comme une notion de frontière interétatique, et qui l’accompagne d’une vision de société qui serait des nations ethniques, voilà. Nous, au contraire, nous sommes fidèles à l’idée d’une nation civique. »
– J.M. Aphatie: « Excusez-moi, rendre la France aux Français, ça veut dire que les Français ne sont plus maîtres chez eux, donc c’est la même expression que Marine Le Pen. »

En fait, « La France aux Français » est une lapalissade. On ne va pas souhaiter donner la France aux Anglais. Cette formule puise donc sa puissance de provocation, non dans son contenu immédiat, mais dans ses présupposés, qui peuvent varier d’un énonciateur à l’autre, l’idée de base étant : les Français sont en train d’être dépossédés de leur pays, il faut donc leur rendre le pouvoir.

Évidemment, Jean-Luc Mélenchon fait exprès de reprendre l’expression frontiste, ce n’est pas un « dérapage », comme semble l’insinuer Aphatie. Il veut montrer qu’il n’ignore pas ce sentiment de dépossession. Mais alors que le FN met en évidence un conflit culturel, voire ethnique, Mélenchon porte l’affrontement sur le terrain économique et politique. Le Pen impute ce sentiment de dépossession à l’immigration, quand Mélenchon cible une « oligarchie » de possédants tyranniques. Bien entendu, ce slogan repose sur une distinction implicite entre les vrais et les faux Français. Aphatie joue les idiots en demandant si l’oligarchie ainsi visée est française. C’est exactement comme lorsque les commentateurs objectent aux représentants du FN que les immigrés sont, pour beaucoup, de nationalité française. Ce que dit « la France aux Français », c’est que tout en étant administrativement français, on peut être au service d’une cause contraire aux intérêts de la nation.

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Ingrid Riocreux

 

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