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Dans cette bourgade située à cinquante kilomètres de Naples, devenue un carrefour de l’immigration illégale, prospèrent les trafics en tous genres et la prostitution. Après s’être affrontée à la Camorra italienne, une mafia nigériane, surnommée la « Black Axe », règne sur cette zone de non-droit.

« Il y a deux cadavres à la morgue dont nous ne savons pas quoi faire. Les enterrements, ça coûte cher… », se lamente Dimitri Russo, le maire (démocrate) de Castel Volturno, devenu un carrefour de l’immigration illégale, où prospèrent les trafics en tous genres et la prostitution. « 90 % des problèmes de Castel Volturno viennent de l’extérieur, de gens de passage ou en fin de parcours », explique l’édile de la ville qui compte environ 2.000 locaux et 10.000 Napolitains pour 15.000 migrants.

Cette proportion quasi inédite en Europe n’étonne pas Antonio Casale, directeur du Centro Fernandes, un centre d’accueil et de services pour les migrants dépendant de Caritas. « Déjà, à l’ouverture du centre, en 1996, on pouvait imaginer comment la situation migratoire allait évoluer. Au début, les migrants venaient travailler dans l’agriculture. Ils pouvaient se loger sans trop de difficultés et profiter de la tolérance, voire du laxisme, des autorités qui ne pratiquaient pas beaucoup de contrôles. Ensuite, le bouche-à-oreille a fonctionné, explique le responsable. Aujourd’hui, avec la crise, le travail se fait plus rare et les environs sont comme des limbes où attendre un permis – illégal – pour aller à l’étranger. Mais cela peut durer dix ans… »

À l’extérieur du bourg moribond, les problèmes s’agrègent de part et d’autre. Les abords parlent d’eux-mêmes sur plusieurs kilomètres : des hôtels douteux aux prestations à peine dissimulées et aux noms évocateurs (Joy, Venus…) accueillent clients et prostituées pour « 20 euros les 24 heures ». Le tout est aux mains d’une mafia exogène – nigériane – surnommée la « Black Axe ». « C’est une mafia invisible. Je n’ai aucune idée de qui sont les chefs et où ils habitent. Ils vivent de façon discrète, sans ostentation, ni costume, ni grosse voiture », reconnaît Dimitri Russo, qui assure ne ressentir aucune pression directe de ce réseau tentaculaire. Ces dernières années, cette mafia « liquide » a dû composer avec la pieuvre locale, les Casalesi.

(…) À Castel Volturno, seuls les orangers semblent s’épanouir dans les jardins des maisons décaties où fleurissent les panneaux « Vendisi » (« à vendre ») ou « Affitasi » (« à louer »). Difficile d’imaginer que la ville fut par le passé un lieu de villégiature de la petite bourgeoisie napolitaine. Aujourd’hui, des agents peu regardants sur les contrats et l’identité des occupants louent certains logements pour une centaine d’euros par mois. D’autres propriétaires rêvent de céder leur bien à la mairie, qui ne peut se permettre de tels « cadeaux ».

Dans le quartier de Villagio Coppola, en bord de la mer Tyrrhénienne, les ruines de résidences de luxe témoignent du faste et de la démesure du projet Pinetamare, lancé en toute illégalité avec des fonds mafieux, dans les années 1960. Malgré la vue splendide sur l’île d’Ischia, le «village», abîmé par le temps et les tentatives de démolition, évoque désormais des images d’exode et même de guerre. (…) Dans cet univers de quasi-non droit, une forme de coexistence plus ou moins pacifique s’est instaurée entre locaux et migrants. Certains se sont adaptés, à l’instar des épiciers locaux qui ont reconverti leur commerce en «African markets». « Il faut reconnaître que les migrants font survivre le commerce local, qui s’est adapté », explique Roberta Gravina, travailleuse sociale qui donne des cours d’italien au Centro Fernandes.

(…) Certains habitants forment des poches de « résistance », refusant de laisser la ville à l’abandon et aux mains de la Pieuvre noire.

(…) Le Figaro

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