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Aujourd’hui, c’est Tartuffe qui mène le bal, organise les shows, manipule des foules qui ne demandent pas mieux, et lance des best-sellers. Bras long et larme à l’oeil.

L’homme moderne a découvert un moyen de pression que ses brutaux ancêtres ne soupçonnaient même pas. Le loup de jadis s’est déguisé en bon pasteur. Les agneaux sont lâchés. Avec le petit grigri rouge supposé anti sida à la boutonnière. M. propre et la fée du logis défilent main dans la main contre le cholestérol, le tabagisme passif et l’arme nucléaire.

Le pouvoir d’ingérence émotionnelle est si profondément entré dans les mœurs qu’on se demande comment on avait pu, jadis, s’en passer. Voilà les vivants engagés dans la croisade la plus redondante de toute leur histoire : la croisade pour la vie.

Avec la charité généralisée, l’idéalisme obligatoire, la solidarité sans réplique, les droits de l’homme dans tous les coins et le souci hygiéniste à chaque étage, la passion de survivre est devenu plan de carrière et programme d’existence. Tout le monde se bat dans la même direction. À coups de positivité enthousiaste et de volonté de gagner.

On a la haine de la haine. On fait la guerre à la guerre. C’est même là que ça devient cocasse : le négatif a été si bien ratatiné dans tous les domaines qu’on ne trouve plus de débat qu’entre gens du même avis. Quand on se crêpe le chignon, c’est entre opposants à la drogue et adversaires de sa dépénalisation ; entre partisans du cosmopolitisme et ennemis de la xénophobie ; entre et éradicateurs du machisme et anéantisseurs du sexisme. On s’engueule dans l’entre nuances. C’est la grande rivalité du Même. Le combat du semblable contre son sosie.

La cause du bien a si peu d’adversaires qu’il faudra peut-être, dont les années à venir, se résigner à en créer de toutes pièces, des adversaires, et les salarier, si l’on veut continuer à soutenir l’intérêt. On ne pourra sans doute pas éternellement compter sur les Serbes et les intégristes à turban.

Les vérités qui ont toujours le dernier mot vont comme un gant à une société qui ne veut plus prendre de risques. Le culte du truisme (exemple : la vie c’est mieux que la mort) nous protège de l’imprévu et du paradoxe. Notre temps est furieusement truismocratique. Le truismocrate est le véritable maître de l’époque. C’est grâce à lui que le pacifisme, qu’on aurait pu croire enterré avec la guerre froide, a repris un tel poil de la bête. Le truismocrate sait que les évidences, désormais, ont encore moins besoin que jadis de s’appuyer sur la réalité pour se payer un franc succès.

(Merci Spoon) – (référence demandée)

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