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Lu dans Libé :

Henri-Pierre Jeudy sociologue (CNRS, Laios, Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales).

ARio de Janeiro, j’ai assisté, un dimanche après-midi sur la plage de Copacabana, à une séance de capoeira. Un jeune Noir aux cheveux blonds, qui s’apprêtait à effectuer un saut gigantesque pour bondir au-dessus de deux femmes immobiles, s’exerçait devant la foule. Les gens attendaient le moment ultime où ils verraient ce corps si souple et si musclé jaillir au-dessus des deux femmes et retomber derrière elles, sur ses pieds. Un bonimenteur n’arrêtait pas de faire des commentaires ironiques sur les capacités de celui qu’il appelait tantôt son frère, tantôt son cousin. Ce jeune homme venait de Salvador de Bahia, il avait sans doute passé une majeure partie de son enfance à apprendre à se battre dans les rues et à se débattre dans la vie. Le bonimenteur lui demanda, pour annoncer enfin le saut spectaculaire, s’il était prêt, et l’homme de haute voltige, lui répondit sur un ton solennel : «Je suis né prêt.»

Dans toutes les grandes villes du monde, des scènes quotidiennes, nous révèlent l’étrangeté culturelle dans laquelle nous vivons. Pareilles scènes nous offrent des leçons de philosophie. La ville ne favorise- t-elle pas, par la variété incroyable des sensations qu’elle incite, le métissage des signes culturels, tant par le brassage des populations que par sa prédisposition à engendrer des situations qui provoquent une énigme pour notre regard ? La ville crée une anthropophagie spontanée des cultures.

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